La mort d'un ami

Nous nous sommes connus, il y a plus de 30 ans. Il venait d'entrer sur les chapeaux de roue, dans le stationnement de la maison  ou il enseignait les maths. J'étais en compagnie de mon confrère de collège, également prof de maths dans cette institution, qui a fait les présentations. C'était un être d'une intelligence exceptionnelle. Généreux. Qui n'a pas eu d'enfants, mais qui les aimait. Mes deux fils entre autres. Un matin, il dormait chez moi, sur le plancher du salon, enveloppé dans un sac de couchage. La chambre d'ami était déjà occupée. C'était l'époque ou nous avions plein de gens (ma femme est décédée du cancer, il y a quatre ans). Notre fils cadet, Francis,  qui devait avoir dans les quatre ans, se présente tout à coup près de lui, avec un marteau, pour le réveiller (?), sans doute. Comme j'étais tout près, j'ai eu juste le temps d'intervenir...Il y a quelques jours, en apprenant l'état de notre ami, Dominique, mon autre fils me confiait  que c'est Roger qui lui a donné le goût de la lecture en lui refilant des livres de la collection "Signes de piste". Quel précieux héritage!   

Il fumait et buvait. À peu près les seuls défauts que je lui connaissais. À part celui de changer trop souvent de femmes. Au début des années 80, il a quitté l'enseignement pour diriger une petite maison d'édition, mise sur pied par lui et quelques collègues. Grâce à ses encouragements, j'ai eu le privilège d'y publier quelques ouvrages.

Il possédait un entêtement incroyable. Admirateur d'Hemingway, il voulait tout faire, tout essayer.  Je jouais assez bien au tennis. À 40 ans, il a voulu apprendre. Nous avons fait plusieurs matchs. Il a fini par se débrouiller. Sa blonde faisait du ski alpin? Il s'est lancé sur les pentes. Il notait même dans un calepin le nombre de descentes, pendant la saison.

Roger est mort, ce matin, début soixantaine, d'un cancer de la gorge, affligé d'une trachéotomie. Son calvaire aura duré 17 mois.

Salut, mon ami, à un de ces jours...